German ARCE ROSS, Paris, le 21 janvier 2015.
Interview L’Obs, le mercredi 21 janvier 2015.
Le syndrome de Cotard, aussi appelé délire des négations est un phénomène fascinant, qui a été isolé au 19e siècle par Jules Cotard, un psychiatre français. Il se déclenche dans un contexte anxio-dépréssif et touche généralement des personnes âgées, qui sont le plus souvent des femmes. Il peut se manifester de différentes façons.
Le sujet atteint par le syndrome de Cotard peut tout d’abord nier ses organes. Il s’agit une hypocondrie délirante où il y a des négations radicales du propre corps et de la propre vie. Dans ce cas, le sujet est intimement persuadé que ses organes vitaux n’existent pas ou sont en train de pourrir.
Le sujet atteint peut aussi avoir des troubles du regard. Il peut par exemple se regarder dans un miroir et ne pas se voir, comme si son image avait été mystérieusement gommée. Ce n’est pas un problème de vue, mais un problème de vision mentale.
Le sujet peut également être atteint d’un délire d’énormité. Dans ce cas-là, il peut croire que son corps devient alors trop grand pour lui-même, sans que cela ne s’apparente à de la mégalomanie.
Enfin, le sujet peut se croire immortel. Comme il vit déjà avec un corps qu’il sent mort, il considère alors qu’il ne peut pas mourir. Je me souviens d’une patiente qui me disait : « Je n’ai pas de cerveau ni d’estomac. Appelez-moi ‘Madame Rien’ ».
Ce vide peut s’expliquer par la trame de vie de chaque individu. La particularité de ce syndrome, c’est qu’il n’est pas déclenché par un événement traumatique, mais au contraire, par un évènement chargé d’une négativité radicale que j’appelle facteur blanc. Cette patiente, par exemple, a eu des parents très peu présents. Ils n’étaient pas violents, agressifs ou méchants, mais ils ne s’occupaient simplement pas vraiment d’elle en termes affectifs et émotionnels. Même s’il ne s’agit pas des traumatismes visibles, ces évènements non-traumatiques, chargés de négativité et pourtant vides d’un véritable sens de nuisance, les facteurs blancs, peuvent laisser de fortes négativités, de vides de sens et de signification, dans le récit de vie d’un sujet.
On pourrait dire que le syndrome de Cotard a une influence impressionnante sur la vie quotidienne des patients qui en sont atteints, mais en fait la réalité c’est que le sujet peut être cotardisé par l’influence hyper-négative de sa vie psychique inconsciente ayant été constituée par des espaces vides de sens et de signification. Ces sujets peuvent, par exemple, se mettre à ingurgiter toutes sortes d’objets tels que des trombones, des mégots, du papier, etc. En faisant cela, ils avalent symboliquement leur négativité, mais aussi le manque de tendresse ou d’amour qu’ils ont un jour subi.
Certains patients touchés par ce syndrome laissent simplement leur corps à l’abandon. Ils ne se nourrissent plus, ne se lavent plus et peuvent devenir gravement boulimiques ou anorexiques. Ils peuvent également ne plus avoir conscience de leur corps et de leurs propres orifices. Dans ce cas-là, ils peuvent traverser des longues périodes de constipation et cela peut évidemment avoir de graves conséquences.
Texte et voix : GAR. Photo : © 2013 German Arce Ross
German ARCE ROSS, Paris, le 21 janvier 2015
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