Le Nazisme transidentitaire de David Bowie

German ARCE ROSS. Paris, le 8 mai 2020

Référence bibliographique (toute reproduction partielle, ou citation, doit être accompagnée des mentions suivantes) : ARCE ROSS, German, « Le Nazisme transidentitaire de David Bowie », Nouvelle psychopathologie et psychanalyse. Psychanalyse Video Blog.com, Paris, 2020

David Bowie’s Transidentitarian Nazism

From the start of my research on the identitary jouissance, in 2015, I came to be interested in the link that seems to me to exist between the violence of totalitarian systems and the phenomenon of identitary-driven sexuality dominated by genderism. Here we have two intercalated axes of what would be in particular the macropsychic transmission of totalitarian sexuality, which has become identitary, communitarian, violent, addictive and, therefore, anti-civilizing.

Starting from an anomic sexuality adrift from the end of the XIXth century, the great violent events of the beginning of the XXth have lastingly impressed the Western generations. The reactions and the affective and emotional sufferings of the first two generations of the century having lived the two great wars, the national-communist revolutions and the national-socialist globalization, intertwined and were transmitted in the form of an identitary jouissance to the Western generation of the 60s.

One of the essential vectors of this transmission is still today the ideology of the genre, which I call by the term of genderism.  This macropsychopathological transmission shows us that totalitarian crimes ended up giving birth to an identitary, sexidentitary or transidentitary jouissance.

We know that, despite their excessives or rebellious speeches, many rockers and rock stars are politically if not traditionalist at least conservative (Arce Ross, 2020). Except that some have completely escaped this trend and have fallen into the identitary, extremist and totalitarian trap. This is the case of pop singer David Bowie, who presented a familial psychopathology marked as much by schizophrenia as by National-Socialist discourse.

His suppletive response was to develop aspects of the schizoidentitary phenomenon, hallucinogenic addictions, ideological adherence to Nazism and the desperate search for transsexuality.

El Nazismo Transidentitario de David Bowie

Desde el comienzo de mi investigación sobre el goce identitario, en 2015, me interesó el vínculo que me parece existir entre la violencia de los sistemas totalitarios y el fenómeno de las sexualidades identitarias impulsadas y dominadas por el generismo. Ahí tenemos dos ejes intercalados de lo que sería en particular la transmisión macropsíquica de la sexualidad totalitaria, que se ha vuelto identitaria, comunitarista, violenta, adictiva y, por lo tanto, anticivilizadora.

A partir de una sexualidad anómica a la deriva desde finales del siglo XIX, los grandes eventos violentos de principios del siglo XX han impresionado duraderamente a las generaciones occidentales. Las reacciones y los sufrimientos afectivos y emocionales de las dos primeras generaciones del siglo después de haber vivido las dos grandes guerras, las revoluciones nacional-comunistas y la globalización nacional-socialista, se entrelazaron y se transmitieron en forma de un goce identitario a la generación occidental de los años 60.

Uno de los vectores esenciales de esta transmisión es aún hoy en día la ideología de género, que llamo con el término de generismo.  Esta transmisión macropsicopatológica nos muestra que los crímenes totalitarios terminaron dando lugar al goce identitario, sexidentitario o transidentitario.

Sabemos que, a pesar de sus discursos excesivos o rebeldes, muchos rockeros y rock stars son políticamente, si no tradicionalistas, al menos conservadores (Arce Ross, 2020). Excepto que unos pocos han escapado por completo de esta tendencia y caído en la trampa identitaria, extremista y totalitaria. Es el caso del cantante pop David Bowie, quien presentó una psicopatología familiar marcada tanto por la esquizofrenia como por el discurso nacional-socialista.

Su respuesta supletiva fue desarrollar aspectos del fenómeno esquizoidentitario, adicciones alucinógenas, adherencia ideológica al nazismo y búsqueda desesperada de la transexualidad.

Le Nazisme transidentitaire de David Bowie

Dès le début de ma recherche sur la jouissance identitaire, en 2015, je suis venu à m’intéresser au lien qui me semble exister entre la violence des systèmes totalitaires et le phénomène des sexualités identitaires impulsées et dominées par le genrisme. Nous avons là deux axes intercalés de ce qui serait notamment la transmission macropsychique de la sexualité totalitaire, laquelle est devenue identitaire, communautariste, violente, addictive et, de ce fait, anti-civilisatrice. 

Partant d’une sexualité anomique à la dérive dès la fin du XIXème siècle, les grands événements violents du début du XXème ont durablement impressionné les générations occidentales. Les réactions et les souffrances affectives et émotionnelles des deux premières générations du siècle ayant vécu les deux grandes guerres, les révolutions national-communistes et la mondialisation national-socialiste, se sont entrelacées et ont été transmises sous la forme d’une jouissance identitaire à la génération occidentale des années 60.

L’un des vecteurs essentiels de cette transmission est encore aujourd’hui l’idéologie du genre, laquelle j’appelle du terme de genrisme. Cette transmission macropsychopathologique nous montre que les crimes totalitaires ont fini par accoucher d’une jouissance identitaire, sexidentitaire ou transidentitaire.

Nous savons que, malgré leurs discours jouisseurs ou révoltés, nombreux rockers et rock stars sont politiquement sinon traditionalistes au moins conservateurs (Arce Ross, 2020). Sauf que quelques uns ont complètement échappé à cette tendance et son tombés dans le piège identitaire, extrémiste et totalitaire. C’est le cas du chanteur pop David Bowie, qui a présenté une psychopathologie familiale marquée aussi bien par la schizophrénie que par le discours national-socialiste.

Sa réponse supplétive a été de développer les aspects du phénomène schizoïdentitaire, les addictions hallucinogènes, l’adhésion idéologique au nazisme et la recherche désespérée d’une transsexualité.

Sexualité transidentitaire et radicalisation pop

Le mélange explosif dans la société occidentale entre, d’un côté, addictions sexuelles, toxicomanies lourdes, dérives identitaires et, d’un autre côté, politiques d’extrême droite, évolue depuis la fin des années 60 et le début des années 70. Comme nous  venons de le dire, entre les quelques cas à part et très lointains des rockers néoconservateurs se trouve être celui de David Bowie. Sans doute, il a dépassé, de loin, les limites des rockers néoconservateurs car, non seulement sa musique pop aux variétés paillettes n’a plus rien à voir avec les idéaux des années 60, mais surtout il a fait, plus d’une fois, une apologie narcissique et transidentitaire du fascisme et du nazisme.

Ayant été soumis à des doses massives de drogues, à des confusions radicales de l’identité sexuelle et donc à une grande influence des idéologies fanatisées, David Bowie a, par exemple, développé des discours extrêmes dans une interview à Playboy, en 1976.

Dans cette interview, interrogé encore une fois sur sa bisexualité, qu’il confirme comme tant d’autres fois auparavant, il ajoute notamment qu’il croit profondément au fascisme :  « j’adorerais faire de la politique. Un jour je le ferai. J’adorerais être Premier ministre. Et oui, je crois fermement au fascisme ». Il dit que Hitler aurait été, à son avis, l’une des premières rock stars au monde car il savait manipuler les foules avec une mise en forme théâtrale de ses discours.

Et il décrit de cette façon ses points de vue politiques : « le seul moyen d’impulser le libéralisme qui plane en ce moment est d’accélérer les progrès d’une tyrannie de droite totalement dictatoriale et d’y aller le plus rapidement possible. Les gens ont toujours réagi avec une plus grande efficacité sous la direction d’un régime autoritaire. Les libéraux perdent leur temps à dire : “Eh bien, maintenant, quelles idées avez-vous ?” Montrez-leur plutôt quoi faire, pour l’amour de Dieu. Si vous ne le faites pas, rien ne sera fait. Je ne supporte pas les gens qui traînent. Il va sans dire que c’est la télévision le fascisme qui a le plus réussi. Les rock stars sont aussi fascistes. Adolf Hitler était l’une des premières rock stars » (Crowe, 1976).

Heureusement pour le rock que, mis à part d’avoir été Führer, Adolf Hitler ne soit pas devenu, en plus, guitariste, batteur ou bassiste ; ou alors faudrait-il dire que l’on aurait préféré qu’il eût été rocker et non pas criminel contre l’humanité ; quoi qu’il en soit, heureusement pour la liberté et pour l’humanité que David Bowie ne soit resté seulement qu’un chanteur pop. Heureusement, car Bowie se voyait déjà comme un Übermensch, comme un leader populiste, comme un meneur d’hommes jusqu’au bout du haut de sa condescendance hypersexualisée, c’est-à-dire qu’il se voyait déjà en « homo superior » (Jones, 2015, p. 62). Peut-on, à ce titre, faire le lien entre sexualité anomique, narcissisme ou ambition populiste et appartenance à l’extrême droite ?

Avant l’éclosion de la radicalisation transsexes chez des sexidentitaires polymorphes plus récents comme Michael Jackson et après l’hystérie pré-queer d’un Little Richard, David Bowie ne s’est pas du tout présenté comme un néoconservateur mais bien comme l’un des premiers transidentitaires d’extrême droite. Notons ici que, malgré leur jouissance identitaire et même ayant parfois un délire transracial, des pop stars comme Michael Jackson et Little Richard sont restés tous les deux des êtres apolitiques, assez éloignés donc de la réalité sociale. D’ailleurs, Michel Houellebecq a soulevé une observation très juste sur ce qui serait la jouissance transidentitaire et notamment transraciale de Michael Jackson. « Il n’était plus ni noir ni blanc, ni jeune ni vieux ; il n’était même plus, dans un sens ni homme ni femme. Personne ne pouvait véritablement imaginer sa vie intime ; ayant compris les catégories de l’humanité ordinaire, il s’était ingénié à les dépasser. Voici pourquoi il pouvait être tenu pour une star, et même pour la plus grande star – et en réalité, la première – de l’histoire du monde » (Houellebecq, 2001). En vérité, une triste et sinistre star à la jouissance identitaire ayant probablement franchi les limites entre la sexualité et le crime.

En ce sens, on pourrait considérer que, contrairement aux vrais rockers véhiculant une musique d’évasion spirituelle, parfois mystique, de transcendance humaine ou de critique sociale, demeurant néanmoins dans l’espace d’une transgression encadrée par les idéaux d’une génération entière, le prototype socialement accepté de toute pop star est, en général, commercial, cosmétique, apolitique. Dans la pop music ainsi conçue, il s’agit d’un maquillage de la réalité sociale par un pseudo-glamour en permanence sexuellement instable. Pures paillettes sexualisées et illusions translimites d’une nouveauté inutile et impossible à encadrer, la pop star ne le devient qu’à condition de faire semblant d’exploser les limites du réel. C’est par l’artifice d’une supposition de jouissance illimitée que la pop star gagne en audience et en popularité. L’artifice dans le grotesque ou l’impossible dans l’illusoire produisent la curiosité populaire, miroir déformant où aiment se regarder les spectateurs du cirque anomiquement sexualisé.

Chez David Bowie, toutefois, il y avait, en outre, un visage ténébreux pointant de temps en temps, derrière le rideau de sa psychopathologie en paillettes et en coupe de cheveux fluo, le visage de l’extrême droite. Cette tradition d’extrême droite, agissant sur le fond d’une sexualité de plus en plus anomique accompagnée de troubles identitaires assez proches de la schizophrénie, lui est venue à Bowie de sa lignée maternelle. Peggy Burns, sa mère, ayant eu une adolescence très instable et ayant été une fille aux moeurs légères, avait longtemps milité pour la British Union of Fascists, un parti nazi fondé et administré par Oswald Mosley (Dermoncourt, 2015 ; Eudeline, 2016). Farouchement féministe, révoltée et rebelle, la mère de David Bowie militait donc pour un groupe politique dont le leader était anti-parlementaire, anti-sémite, ami de Mussolini et du couple Goebbels.

Plus tard, en accord avec l’un de ses nombreux personnages et pseudonymes, le Tin White Duke, lui ayant servi de nouvelle identité pendant les années 1975 et 1976, David Bowie se décrivait lui-même comme un personnage controversé car ostensiblement pro-fasciste (Borschel-Dan, 2016). Plus précisément, l’homme mégalomane et paumé qu’était David Bowie recherchait par dessus tout la célébrité en vue de compenser une personnalité fragile et fragmentée. Par l’intermédiaire de son personnage ou de sa nouvelle identité, il se décrivait lui-même comme « un type très aryen et fasciste, un soi-disant romantique mais sans aucune émotion et qui a lancé beaucoup de néo-romans » (Doggett, 2011). Obsédé par la personnalité et par l’histoire d’Adolf Hitler, il est arrivé à Charing Cross, pour la tournée de 1976, dans une Mercedes noire, complètement déguisé en Tin White Duke et faisant le salut nazi devant les journalistes et le public, dont quelques photographies de l’époque en témoignent (Eudeline, 2016, p. 77).

On peut dire que la haine à peine sous-jacente des autres, noyau principal des politiques d’extrême droite comme Oswald Mosley, trouve une base subjective dans la haine angoissée que David Bowie éprouvait pour lui-même et que l’on peut vérifier dans le changement obsédant de ses multiples identités. Mais on peut l’observer également dans le traitement très spécial qu’il opérait sur les autres en général et sur ses amis en particulier. « Il était devenu un personnage monstrueux, une créature qui bafouait ses amis, distillait partout la confusion, un être qui ne s’intéressait qu’à l’argent, une sorte de vampire réincarné. […] Il se comportait fréquemment de manière irrationnelle, autodestructrice et dangereuse » (Angie Bowie & Carr, 1993).

Occultisme, nazisme et extraterrestres

En outre, comme beaucoup de gens d’extrême droite et comme l’étaient à leur époque les national-socialistes en manque de croyances religieuses, David Bowie était fortement attiré par l’occultisme, le paranormal, l’inconnu, l’ésotérisme. « L’histoire de l’occultisme, les sociétés sécrètes, la réincarnation, les grands anciens et tout le reste… On sait que le jeune David n’ignore rien de tout cela. Il découvre le Tibet via la lecture de Kerouac et des beats, l’histoire de la Golden Dawn et de la secte de Thule (et ses rapports avec le nazisme) via Le Matin des magiciens et La Lance du destin, Le Secret des Cathares ou les livres d’Adamski. Oui, des fils à tirer. Sa fascination pour les UFO rencontre son intérêt pour le mythe du surhomme » (Eudeline, 2016, p. 71). Une telle tendance a favorisé la création rationalisée de constructions idéïques sur des conspirations extraterrestres ou sur le besoin de prévenir des possibles complots contre sa personne ou contre sa réussite. C’est d’ailleurs pour cause de sa fascination des extraterrestres et des rencontres possibles de troisième type qu’il s’est lié d’amitié avec un personnage comme Chris Farlowe, un chanteur de rock nostalgique du national-socialisme et collectionneur d’accessoires et d’emblèmes nazis tels que des médailles et couteaux portant des croix gammées (Fleming, 2013).

Comme les nazis, David Bowie était obsédé par les études et les références occultes au berceau de l’Aryen original que l’on trouve dans les croyances de quelques fraternités sécrètes telles que l’Ordre Hermétique de l’Aube Dorée de l’Extérieur et la supposée Société du Vril, imaginée par l’écrivain britannique Edward Bulwer-Lytton en 1871 (Eudeline, 2016, pp. 72-73). C’est dans ce cadre nostalgique et “culturel” national-socialiste que naissent et se développent ses certitudes conspirationistes sur la présence d’extraterrestres parmi nous. […]

La suite du texte se trouve ici : Jouissance identitaire dans la civilisation.

ARCE ROSS, German, Jouissance identitaire dans la civilisation, Huit Intérieur Publications, Paris, 2020