German ARCE ROSS. Paris, le 8 janvier 2020
Référence bibliographique (toute reproduction partielle, ou citation, doit être accompagnée des mentions suivantes) : ARCE ROSS, German, « La Pédophilie érotique post-Mai 68 de Gabriel Matzneff », Nouvelle psychopathologie et psychanalyse. PsychanalyseVideoBlog.com, Paris, 2020
Gabriel Matzneff’s post-May 68 erotic pedophilia
The excellent, courageous and poignant testimony of Vanessa Springora (2020) on her childhood and adolescence confirms, among other elements, the strength of what I call macropsychism, whose disastrous effects materialized in her encounter with erotic pedophilia. This one is another term that I use in my classification of identitary sexualities.
First of all, there is no doubt that the author of the sexual abuse and rape suffered by Vanessa Springora, when she was barely 14 years old, was Gabriel Matzneff (50 years old at the time). On the one hand, she makes it clear in her book. On the other hand, Matzneff himself claimed this “relation” in his books of the time, but also, immediately after the publication of Springora’s book, in a letter addressed to L’Express (Matzneff, January 2 2020).
It is not the purpose of my present text to judge emotionally or condemn morally Gabriel Matzneff, even if what he did – acts of pedophile in series for decades – is really monstrous and fell under the scope of the Code criminal. A trial and judicial measures to protect young people should have been the role of the authorities and of civil society at that time. But, unfortunately, the facts are now prescribed. And bringing him to a moral trial today would not move us forward in our analysis of pedophilia.
My goal is rather to learn a little more about this form of pathological sexuality which, taking a criminal and therefore paradigmatic turn, reveals part of the mystery to the outbreak of erotic pedophilia in the 20th century.
La Pedofilia Erótica post-68 de Gabriel Matzneff
El excelente, valiente y conmovedor testimonio de Vanessa Springora (2020) sobre su infancia y adolescencia confirma, entre otros elementos, la fuerza de lo que yo llamo macropsiquismo, cuyos efectos desastrosos se materializaron en su encuentro con la pedofilia erótica. Este es otro término que uso en mi clasificación de las sexualidades identitarias.
Antes que nada, no hay duda de que el autor de los abusos sexuales y violaciones que sufrió Vanessa Springora, cuando tenía apenas 14 años, fue Gabriel Matzneff (con 50 años en esa época). Por un lado, ella lo deja bien claro en el libro publicado el 2 de enero del 2020. Por otro lado, el propio Matzneff reivindicó esta “relación” en sus libros de la época, pero también, inmediatamente después de la publicación del libro de Springora, en una carta dirigida a L’Express (Matzneff, 2 de enero 2020).
En mi presente texto, no se trata de juzgar emocionalmente ni de condenar moralmente a Gabriel Matzneff, incluso si lo que hizo (actos de pedofilia en serie durante décadas) es realmente monstruoso y cae dentro del ámbito del Código penal. Un juicio y varias medidas judiciales de protección a la juventud deberían haber sido el papel de las autoridades y de la sociedad civil en ese momento. Pero, desafortunadamente, los hechos ahora están prescriptos. Y hacerle ahora un juicio moral no nos haría avanzar en nuestro análisis de la pedofilia.
Mi objetivo es más bien aprender un poco más sobre esta forma de sexualidad patológica que, tomando un giro criminal y por lo tanto paradigmático, revela parte del misterio del brote de pedofilia erótica en el siglo XX.
La Pédophilie érotique post-Mai 68 de Gabriel Matzneff
L’excellent, courageux et poignant témoignage de Vanessa Springora (2020) sur son enfance et adolescence confirme, entre autres éléments, la force de ce que j’appelle le macropsychisme, dont les effets désastreux se sont matérialisés dans sa mauvaise rencontre avec la pédophilie érotique. Celui-ci d’ailleurs est un autre terme que j’utilise dans ma classification des sexualités identitaires.
Notons, d’abord, qu’il n’y a aucun doute que l’auteur des abus sexuels et des viols subis par Vanessa Springora, lorsqu’elle avait à peine 14 ans, ce soit Gabriel Matzneff (50 ans à l’époque). D’un côté, elle l’indique clairement dans son livre. D’un autre côté, Matzneff lui-même a revendiqué cette “relation” dans ses livres de l’époque, mais aussi, immédiatement après la publication du livre de Springora, dans une lettre adressée à L’Express (Matzneff, le 2 janvier 2020).
Il ne s’agit dans mon présent texte ni de juger émotionnellement ni de condamner moralement Gabriel Matzneff, même si ce qu’il a commis — des actes de pédophile en série pendant des décennies —, est vraiment monstrueux et tombait sous le coup du Code pénal. Un procès et des mesures judiciaires de protection de la jeunesse auraient dû être le rôle des autorités et de la société civile à cette époque. Mais, malheureusement, les faits sont désormais prescrits. Et lui faire un procès moral aujourd’hui ne nous ferait pas avancer dans notre analyse de la pédophilie.
Mon but est plutôt d’apprendre un peu plus sur cette forme de sexualité pathologique qui, en prenant une tournure criminelle et donc paradigmatique, nous livre une partie du mystère sur l’éclosion de la pédophilie érotique — une nouvelle forme de pédophilie — au XXème siècle.
La Pédophilie érotique
Ma notion de pédophilie érotique ne doit pas être confondue avec le même terme utilisé par Richard von Krafft-Ebing, pour qui cette forme de pédophilie comporte des attouchements sexuels relativement limités et associés à des ferments platoniques mais sans un véritable acte sexuel complet (Krafft-Ebing, 1886, p. 565). En revanche, dans ma conception, la pédophilie érotique — faisant son apparition macropsychique plutôt au XXème siècle — comporte des véritables actes sexuels complets, sans violences physiques mais dans un cadre de manipulation amoureuse et de domination érotique de haute intensité avec la croyance en un « consentement » de l’enfant ou de l’adolescent (Arce Ross, 2020). D’ailleurs, à mon avis, des simples attouchements sexuels de l’enfant ou de l’adolescent par un adulte, même avec ce soi-disant consentement, peuvent produire des terribles ravages psychiques, d’autant plus s’ils sont commis dans une ambiance d’amour dit « libre», mais clos et totalisant, qui bouche pour longtemps les perspectives du progrès subjectif.
Le témoignage de Vanessa Springora montre bien qu’elle est poussée à sombrer dans une “relation” d’amour libre, selon les dogmes du post-Mai 68, où « l’abus sexuel se présente de façon insidieuse et détournée, sans qu’on en ait clairement conscience » (Springora, 2020, p. 163). Ce manque de conscience et cette glissade insidieuse sont seulement possibles dans la mesure où l’adulte pédophile et l’adolescente en carence affective ont pu développer une relation déséquilibrée d’amour au détriment de cette dernière. Le problème évidemment n’est ni le désir sexuel ni le désir d’amour de l’adolescente car elle y va de façon intègre bien qu’ingénue. Si, de sa part, il y a consentement, il s’agit toutefois d’une adhésion forcée par la manipulation qu’un adulte exerce envers une personne vulnérable. C’est d’ailleurs pour ces raisons que nous considérons que chez l’adolescent de moins de 18 ans il ne devrait y avoir aucun consentement juridique ou légal (Arce Ross, 2017).
L’une des raisons principales pour qu’une adolescente soit ingénument manipulée par amour se trouve dans sa criante vulnérabilité affective due à son histoire familiale. « La vulnérabilité, c’est précisément cet infime interstice par lequel des profils psychologiques tels que celui de G. peuvent s’immiscer. C’est l’élément qui rend la notion de consentement si tangente. […] Comment admettre qu’on a été abusé, quand on ne peut nier avoir été consentant ? » (Springora, 2020, p. 163).
Le pédophile érotique déploie alors un impressionnant harcèlement épistolaire et physique pour produire un intérêt érotique chez l’adolescente ciblée. Il tente de convertir progressivement le vague désir de l’adolescente en un amour réciproque valant approbation implicite, notamment par l’attente d’une production de réponses écrites par sa proie, convertie pour l’occasion en complice innocente. Ainsi, « dès que j’ai mordu à l’hameçon, G. ne perd pas une minute. Il me guette dans la rue, quadrille mon quartier, cherche à provoquer une rencontre impromptue, qui ne tarde pas à se produire » (Springora, 2020, p. 46). Des rendez-vous clandestins, à l’insu de la mère, sont habilement proposés par Gabriel Matzneff, ce qui signe bien la conscience du pédophile que ce qu’il fait est répréhensible voire hautement répréhensible. Mais cette clandestinité renforce paradoxalement la complicité de l’ingénue adolescente, de plus en plus consentante vis-à-vis de ce qui pour elle est une simple transgression mais pour les autres un véritable crime. « Notre amour est interdit. Réprouvé par les honnêtes gens », constate Vanessa (Springora, 2020, p. 58).
Nous savons que le pédophile érotique conteste vigoureusement l’accusation de pédophilie criminelle avec des arguments qui pourraient sembler plus acceptables que ceux du pédophile physiquement violent et meurtrier. Pour lui, il n’y a pas d’abus sexuel dans la mesure où, d’abord, il n’existe aucun acte de violence ou de contrainte physique mais plutôt un semblant de consentement. Ensuite, parce qu’il effectue une initiation sexuelle par amour réciproque entre enfant et adulte, ou entre adolescent et adulte. Enfin, parce que son action intervient comme une véritable compensation éducative ou pédagogique vis-à-vis de la démission des deux parents.
Tout passe par des voies psychologiques subtiles et, plus précisément, par une manipulation savante de l’explosion pulsionnelle de la puberté. Les éléments émotionnels, affectifs et sexuels appartenant à la période de la puberté sont mobilisés et canalisés vers l’échange pédophile surtout lorsque l’enfant-cible est soumis à une réelle fragilité psychologique de par son histoire familiale. De son côté, celui-ci trouve chez le pédophile érotique un parent de substitution avec lequel, en prime, il peut satisfaire ses puissantes mais incompréhensibles pulsions naissantes.
Tout se passe ainsi pour l’enfant comme une renaissance où l’Oedipe ne serait plus une fiction psychique, mais permettrait l’avènement d’une jouissance inédite. Plus que cela, il s’agirait d’un trans-Oedipe, car il y a bien un transfert hors-famille et une mise en acte des problématiques oedipiennes non résolues. L’enfant passe à une nouvelle dimension, celle d’une existence pseudo-familiale où le parent de substitution est aussi son partenaire sexuel et son amoureux. La jouissance sexuelle atteint son paroxysme puisqu’elle s’associe à la réalisation de l’amour idéal. Dans cet amour, le pédophile érotique apporte tout ce qui manquait à l’enfant mais dans l’espace de plus en plus restreint de la jouissance sexuelle. Ainsi, les issues possibles d’un tel pays des merveilles sexuelles viennent à manquer cruellement, étant donné que le pédophile érotique occupe désormais toutes les places cruciales, tous les aspects imaginables de l’Autre.
Le pédophile érotique devient le père, la mère, le grand-père, la grand-mère, le frère et la sœur. Mais il est aussi le petit enfant, l’enfant ou le petit adolescent de l’ingénue abusée. Il est l’enseignant de l’Antiquité, le curé de la paroisse, le prescripteur de conscience, le conseiller familial, le confident privilégié et le seul ami sur qui compter. Le pédophile érotique est l’amoureux absolu, pas un petit copain. Il peut être tout mais pas le mari qui deviendra le père de ses enfants. Il enferme l’adolescente dans un amour idéal de plus en plus étriqué et dans une jouissance sexuelle de plus en plus banale, répétitive et finalement vide.
L’Ingénuité consentante
De son côté, l’adolescente ingénue qui, par vulnérabilité affective, vient à acquiescer malgré tout au désir du pédophile amoureux, éprouve, tout au long de son expérience et même au-delà, ce qui est une réaction normale, un sentiment ambigu de complicité. « Toute l’ambiguïté de se sentir complice de cet amour qu’on a forcément ressenti, de cette attirance qu’on a soi-même suscitée, nous lie les mains » (Springora, 2020, p. 203).
Un tel sentiment réactionnel semble être le contrepoids de ce que Vanessa avait vécu jusqu’alors dans la relation à ses parents. « Tandis que l’adolescence jette sur moi sa main ingrate, je ne ressens plus qu’une solitude dévorante. […] Un père aux abonnés absents qui a laissé dans mon existence un vide insondable. Un goût prononcé pour la lecture. Une certaine précocité sexuelle. Et, surtout, un immense besoin d’être regardée. Toutes les conditions sont maintenant réunies » (Springora, 2020, pp. 34-35). À ces éléments, s’ajoutent évidemment les violences mutuelles dans le couple parental, leur sexualité anomique et la terrible démission familiale des parents aussi bien que l’aggravation progressive de la dépression maternelle.
Vanessa a eu non seulement un déficit d’amour ou de l’expression d’amour des parents, mais surtout elle a cruellement manqué de leur protection affective. Et ceci dans les deux versions possibles que la protection affective des parents peut avoir : la protection féminine grâce à la relation quotidienne avec la mère et la protection masculine en fonction d’un vécu soutenu avec le père. Malheureusement, selon son récit, ni l’un ni l’autre ne semblent avoir été à la hauteur de leur tâche. L’un et l’autre semblent avoir laissé glisser Vanessa dans l’exercice d’une liberté accordée trop tôt et l’avoir laissé dériver, sans aucun contrôle affectif, vers la perversion criminelle du pédophile.
Concernant la question si compliquée du consentement sexuel, nous savons qu’il existe bien un faux consentement chez l’enfant que tous les parents connaissent. Il s’agit du consentement absolu et inconditionnel dû a l’ingénuité temporaire de l’enfance encore présente à l’adolescence. En effet, dans des conditions normales, tous les enfants du monde ont besoin de faire confiance à leurs parents et cette confiance requiert un consentement aveugle et absolu que l’enfant accorde aux actions et aux dires de ces derniers. À mesure que l’enfant grandit néanmoins la perception que l’homme est mortel, que la sexualité existe comme moyen de procréation, de plaisir et de souffrance, que l’amour peut aussi être vécu en dehors des relations filiales, etc., lui fait relativiser son consentement aveugle et sa confiance ingénue en les parents et, par extension, en les adultes. Il vient donc rapidement à se rendre compte que les mythes, les contes et les légendes ont une visée purement symbolique et non pas une existence réelle, que peut-être bien le Père Noël n’est qu’une figure symbolique construite par les adultes, que les parents peuvent se tromper et mentir ou se trahir voire sombrer sous le poids des pulsions… sans cesser toutefois d’aimer et de protéger leurs enfants et adolescents. Mais, dans des conditions psychopathologiques, ce processus de diminution considérable du consentement aveugle et inconditionnel s’estompe. Celui-ci continue, au contraire, à se développer de façon monstrueuse et inhumaine. Et le risque est que l’enfant ou l’adolescent adresse ce consentement aveugle et inconditionnel à un autre malintentionné qui abusera de sa confiance et de sa vulnérabilité.
L’amour extrême et la sexualité extatique de Vanessa sont malheureusement ponctués d’un détachement radical et pérenne de sa vie personnelle, familiale, amicale, sociale, scolaire aussi bien que de tout projet professionnel. Elle s’enferme sous la domination sadienne d’une hyper-volonté de jouissance organisée avec acharnement par Matzneff : « à l’approche de mes quinze ans, G. s’est mis en tête de contrôler tous les aspects de mon existence » (Springora, 2020, p. 119). Jusqu’à la déception inévitable, jusqu’à la chute précipitée et angoissante, jusqu’à l’anéantissement de l’idéal impossible que l’imposteur miroitait. Suivent alors toute une panoplie de troubles invalidants que j’appelle translimites : accès de rage, de colère et de culpabilité, troubles de la sexualité (comme l’impossibilité à éprouver la satisfaction sexuelle), l’impression de se sentir comme objet ou comme un instrument purement sexuel (une poupée de latex, comme chez le père), errance sans aucun cadre, sentiment de vivre sans aucune structure, anorexie aggravée, insomnies totales, alcoolisme, toxicomanie, crise de dépersonnalisation avec hallucinations et séjour en psychiatrie. Tous ces graves symptômes sont les effets de la manipulation que l’imposteur effectue sur le faux consentement d’une adolescente par les artifices de la pédophilie érotique.
Un autre risque est que ces symptômes trouvent une issue identitaire s’ils se convertissent en une nouvelle identité personnelle, comme l’idéologie du genre en propose (Arce Ross, 2020). D’être abusé par l’imposteur pédophile, l’ingénu consentement de l’adolescente passe alors à être manipulé par l’imposture idéologique du genrisme. « La peur de l’abandon surpasse chez moi la raison, et […] je me suis entêtée à croire que cette anormalité faisait de moi quelqu’un d’intéressant », témoigne Vanessa (Springora, 2020, p. 144).
Nous savons que le projet macropsychique, probablement inconscient, de l’idéologie sexidentitaire et genriste est de manipuler l’ingénuité consentante de tout un chacun pour lui imposer des identités factices. De telle sorte que ce qui était pathologique devienne normal, acceptable, désirable et que, par ce biais, on parvienne à réaliser les présupposés du genrisme. Une telle idéologie a cristallisé, sous la forme d’une jouissance très particulière, les angoisses et notamment les empreintes sensibles du mélange entre violence et sexualité — que j’appelle du terme de facteurs rouges (Arce Ross, 2020) — dans la génération née sous ou autour de la Deuxième guerre mondiale et qui avait autour de 20 à 30 ans en Mai 68.
Cette même génération, à laquelle appartenaient les parents de Vanessa, avait donc autour de 40 à 50 ans lorsque Gabriel Matzneff abuse de l’adolescente. En 1986, les représentants de cette génération avaient des postes importants dans l’enseignement supérieur, la presse, la politique, le gouvernement, l’édition, la mode, la littérature, le milieu artistique en général, les agences de pub et la psychanalyse. Et ils pouvaient continuer facilement à influencer idéologiquement l’ingénuité consentante des consciences, avec en prime le pouvoir et la légitimité qui leur conféraient leurs statuts sociaux et professionnels.
Le Facteur macropsychique du genrisme de Mai 68
Tout en suivant logiquement le parcours de son analyse, Vanessa Springora a le mérite de poser une question qui me semble essentielle. « Pourquoi tous ces intellectuels de gauche ont-ils défendu avec tant d’ardeur des positions qui semblent aujourd’hui si choquantes ? Notamment l’assouplissement du code pénal concernant les relations sexuelles entre adultes et mineurs, ainsi que l’abolition de la majorité sexuelle ? » (Springora, 2020, p. 64).
Ma réponse à cette question passe par une prise en compte du rôle capital joué par les facteurs rouges, représentant l’association entre violence et jouissance sexuelle (Arce Ross, 2020), à l’oeuvre dans la construction de cette macropsychopathologie appelée idéologie du genre (ou genrisme).
Ce que je considère comme étant le macropsychisme ne s’oppose pas tout à fait à la thèse qui soutient qu’il n’y a pas d’inconscient collectif. Mais il l’enrichit. La thèse du déficit d’inconscient collectif tient, selon Lacan, principalement au domaine de la langue. Voici ce qu’il dit à ce sujet. « On crée une langue pour autant qu’à tout instant on lui donne un sens, on donne un petit coup de pouce, sans quoi la langue ne serait pas vivante. Elle est vivante pour autant qu’à chaque instant on la crée. C’est en cela qu’il n’y a pas d’inconscient collectif. Il n’y a que des inconscients particuliers, pour autant que chacun, à chaque instant, donne un petit coup de pouce à la langue qu’il parle » (Lacan, 1975-1976, p. 133). Oui, évidemment. Cependant, Lacan ne se réfère pas à tous ces autres éléments qui ne peuvent pas être contenus ou représentés par le signifiant.
En effet, Lacan ne se réfère pas là-dedans à l’objet a. Et évidemment son point de vue ne tient pas compte non plus de ce que j’appelle les facteurs blancs ni de ce que je considère comme étant les facteurs rouges. Ces éléments configurent un espace macropsychique qui enrichit la thèse du manque d’inconscient collectif.
Car, à mon avis, le macropsychisme se définit par le fait qu’il existe bien une série de points communs de conjonction, ou de convergence, qui agglutinent et donnent sens à plusieurs inconscients particuliers en partage selon les événements cruciaux de masse vécus, en même temps, par un ensemble donné de sujets. Ces points communs de convergence — que l’on peut essayer parfois de situer comme étant le Zeitgeist et qui déterminent hic et nunc une masse en particulier —, constituent non pas un inconscient collectif dans le sens de la langue vivante dont parlait Lacan dans Le Sinthome, non pas une psychodynamique de groupe, mais plutôt un sujet inconscient du lien de civilisation. Ce sujet inconscient représente la convergence concomitante de plusieurs inconscients en une seule forme durable du lien de civilisation.
Cependant, même en étant durable, le sujet inconscient du lien de civilisation peut malgré tout s’altérer dangereusement en fonction de certains événements de masse inattendus ou indésirables, lesquels émergent comme des crises épidémiques et parfois pandémiques. C’est le cas, par exemple, de l’avènement des religions, des guerres, des crises économiques, des révolutions politiques ou des idéologies transcendantales. Par le terme d’idéologies transcendantales je veux faire référence aux idéologies soi-disant novatrices, autoproclamées révolutionnaires et qui ont l’intention de changer le monde par la création ex-nihilo d’un Nouvel Homme. Toutes les idéologies totalitaires, comme le national-socialisme, le communisme ou le socialisme fasciste, appartiennent à cet espace para-religieux auquel il faudrait d’ailleurs ajouter le panféminisme, le genrisme et le transhumanisme.
Dans le cas qui nous occupe ici, la pédophilie érotique en tant que produit identitaire nouveau du XXème siècle, nous voyons qu’il y a la convergence entre les effets macropsychiques du vécu national-socialiste et communiste de la première partie du siècle, d’un côté, et les dogmes et les spéculations perverses du socialisme de Mai 68 dont s’est cristallisé le genrisme, d’un autre côté.
Depuis les grandes violences macropsychiques du XXème siècle, nous sommes tous un peu devenus, lors des années 60 et au-delà, des ingénus consentants soit des idéologies les plus totalitaires (comme le national-socialisme ou le communisme), soit des addictions psychédéliques les plus diverses, soit encore des nouvelles religions telles que les sexualités identitaires ou le genrisme. On a cru qu’il était interdit d’interdire, qu’il fallait jouir sans entraves, que l’on devait vivre sans temps morts, qu’il fallait inventer de nouvelles perversions, que l’on devait avoir un bonheur permanent, qu’il y avait assez d’églises et de figures du père, que l’on devait exiger l’impossible, que le sacré était le véritable ennemi et le père forcément un oppresseur, qu’être stable et équilibré équivalait à être bigot ou réactionnaire. Cela a produit tout un tas de divorces parfois hyperviolents dont les premières victimes directes étaient les enfants, la cassure presque définitive du couple et du lien d’amour entre les sexes, une perte gravisssime de l’évidence naturelle quant au sexe que nous portons, une vulnérabilité à n’importe quelle manipulation identitaire, etc. Tout cela nous a coupé du vrai progrès humain et a permis l’émergence de théories perverses et d’imposteurs en tout genre.
Sans aucun doute, comme je le dis depuis des années, il y a bien un lien étroit entre le socialisme de Mai 68, le genrisme et l’éclatement des dernières vagues de pédophilie du XXeme siècle. Voici, à ce propos, ce que certains en disent : « cela paraît difficile à imaginer en 2019 mais il existait dans ces années-là un courant pro-pédophilie, soutenu par des intellectuels prestigieux. Dans une tribune publiée le 26 janvier 1977 dans Le Monde, Gabriel Matzneff prend la défense de trois hommes jugés pour attentat à la pudeur sans violence sur des mineurs de 15 ans. “Si une fille de 13 ans a droit à la pilule, c’est pour quoi faire ? (…) Trois ans de prison pour des caresses et des baisers, cela suffit”, peut-on notamment y lire. A ses côtés, dans la liste des signataires : Louis Aragon, Roland Barthes, Simone de Beauvoir, André Glucksmann, Bernard Kouchner, Jack Lang, ou encore Jean-Paul Sartre. Comme l’expliquait sur France Info le sociologue Pierre Verdrager, la “pédophilie a fait [alors] l’objet d’une tentative de valorisation dans le monde intellectuel”.
« “C’était une époque où il y avait une tentative de libération sur tous les horizons et on avait considéré que la pédophilie faisait partie de ça : libération des femmes, libération des gays, libération de la sexualité et du discours sur la sexualité”, resitue-t-il. L’âge de la majorité vient d’être abaissé à 18 ans en 1974 et, “dans ce contexte-là, on pensait qu’il était possible de considérer comme valides les relations sexuelles entre les adultes et les enfants”.
« Dans un texte où il revenait sur le soutien de Libération à ce mouvement pro-pédophilie, le journaliste Sorj Chalandon évoque une période post-Mai 68 où “l’interdiction, n’importe laquelle, est ressentie comme appartenant au vieux monde, à celui des aigris, des oppresseurs, des milices patronales, des policiers matraqueurs, des corrompus” » (France Info, le 29 décembre 2019).
D’ailleurs, selon le propre Bernard Pivot, qui l’a tant des fois interviewé, « après Mai 68 dont le slogan majeur était “il est interdit d’interdire”, des livres comme ceux de Gabriel Matzneff ont été publiés sans que la justice n’intervienne, sans même que les associations de défense de l’enfance et de la famille ne protestent. […] Le monde des livres et la littérature se jugeaient alors au-dessus des lois et de la morale » (Pivot, le 31 décembre 2019).
Évidemment, beaucoup de gens se demandent encore aujourd’hui comment une telle aberration pouvait être tolérée à cette époque, soit moins de 20 ans après Mai 68, c’est-à-dire à une période où se mélangeaient la génération soixante-huitarde et la génération qui est venue juste après. Quelque part, les pauvres victimes des parents soixante-huitards souvent démissionnaires étaient bien, d’une certaine façon, leurs enfants, les enfants de Mai 68.
Le témoignage de Vanessa Springora montre bien, comme je le soutiens depuis longtemps, que la sexualité translimites des adultes et notamment l’érotisme anomique des parents, de Mai 68 à nos jours, ont pathologiquement rejailli sur les enfants des générations suivantes. C’est-à-dire que, entre autres vicissitudes, ces deux aspects de la vie sexuelle et amoureuse des parents ont poussé certains de leurs enfants ou de leurs petits enfants à devenir des proies faciles des pédophiles. Plus précisément, une part de ces nouvelles générations pathologisées est devenue victime, une autre part agresseur et encore une autre part a développé ce que j’appelle les sexualités identitaires.
Notons en outre que comme les autres pervers, le pédophile n’est pas en général capable d’une grande puissance sexuelle. Bien au contraire, il abuse des enfants et des adolescents comme moyen thérapeutique pour ses propres troubles sexuels et ses propres fragilités psychiques qu’il peine à résoudre. « Assez vite, je m’aperçois du caractère répétitif de nos séances amoureuses, des difficultés de G. à maintenir son érection, de ses subterfuges laborieux pour y parvenir […], de l’aspect de plus en plus mécanique de nos ébats, de l’ennui qui s’en dégage, de la peur d’émettre une quelconque critique, de la difficulté, quasi insurmontable, à lui soumettre un désir qui briserait non seulement notre routine, mais augmenterait mon propre plaisir » (Springora, 2020, p. 128). Le problème est que, derrière ces troubles et fragilités, se profile un projet proche de celui du genrisme déjà à l’oeuvre à l’époque de Mai 68.
Pourquoi un tel projet ? Parce que le pédophile a souvent été lui-même (ou l’un de ses parents ou l’un de ses grands-parents) victime d’abus sexuels répétés ou d’un viol lors de son enfance ou de son adolescence, autant d’événements de corps qui lui ont transmis une nouvelle identité soi-disant “de genre”. Le pédophile, le sexidentitaire et le genriste veulent transmettre cette identification à l’agresseur, aussi bien que la jouissance qui lui est corrélée, aux nouvelles générations avec l’objectif de construire une société où finalement les pervers seraient acceptés comme ayant un style de vie différent mais tout à fait normal.
Autrement dit, le projet genriste de Gabriel Matzneff va dans le même sens que celui de tant d’autres pédophiles. À savoir qu’il s’agit de transmettre ses propres fragilités psychiques et ses troubles sexuels, qui sont devenus une nouvelle identité pour lui, à des jeunes gens fragiles et vulnérables pour qu’à son tour ils épousent cette nouvelle identité. Ainsi, Vanessa tient à affirmer : « je ne suis pas complètement dénuée de sens commun. De cette anormalité, j’ai fait en quelque sorte ma nouvelle identité » (Springora, 2020, p. 113). Un tel objectif de répandre la perversion sexuelle à tous, toutes les perversions pour tous, est le projet du genrisme depuis les travaux de John Money et de Judith Butler à nos jours.
C’est à ce genre de personnalité pathologique que le genrisme se propose comme une réponse adaptée, efficace et judicieuse. La vérité est cependant qu’avec le genrisme on baigne en pleine réversion des valeurs du lien de civilisation. On vient à s’aveugler aujourd’hui de manière idéologique de la même façon que lors de Mai 68. On croit, par exemple, aujourd’hui que deux personnes de même sexe peuvent se marier ensemble, qu’elles peuvent avoir des enfants et constituer une famille, que les enfants et les adolescents n’ont pas besoin d’un père et d’une mère, qu’ils n’ont pas besoin d’être protégés, que l’on peut changer de sexe, que les enfants et les adolescents peuvent être sexuellement consentants à des âges de plus en plus précoces, et, ainsi de suite, la liste des nouvelles croyances est très longue. L’ingénuité consentante et la perversion érotique ont encore de beaux jours devant elles.
Nécessaire retour de la fonction paternelle
Toute la question de base sur laquelle reposent les événements criminels dont témoigne Vanessa Springora en tant que victime tient sur ce constat : « après tout, n’est-ce pas le rôle d’un père de protéger sa fille ? » (Springora, 2020, p. 101).
Justement, à la base de cette histoire sordide se trouve la fonction paternelle selon trois versions opposées. L’une, la démission paternelle, lorsqu’elle vient à manquer cruellement dans la vie du petit enfant, de l’enfant et de l’adolescent. L’autre, la père-version, lorsqu’un pédophile vient s’installer subrepticement à la place du père absent. Entre les deux, se trouvent tout un tas de gens, pratiquement tous des hommes, qui mobilisent et expriment, comme il le faut, leur opposition à l’imposture paternelle, leur résistance à la père-version du pédophile.
La Démission paternelle
Le récit de Vanessa Springora montre bien la malheureuse démission paternelle de celui qu’elle attendait pour l’aimer non pas en tant que partenaire d’un couple, mais en tant que père et forcément en tant qu’homme qui désire non-sexuellement sa fille et qui la protège.
D’ailleurs, beaucoup de soixante-huitards y compris certains qui étaient intellectuellement très doués dont quelques uns étaient même psychanalystes, en avançant en âge et en ayant des enfants, n’ont su occuper ni la place paternelle s’ils étaient des hommes ni la place maternelle si elles étaient des femmes. Pire que cela, de par leurs attitudes contraires aux valeurs familiales, ils ont créé des générations de gens perdus dans l’existence et dans le sexe, cherchant des addictions là où ils pouvaient, se coupant de l’amour, du couple et d’une vie équilibrée, réussissant peut-être leur vie professionnelle mais au détriment d’une vie personnelle parfois catastrophique.
Ces nouvelles générations de l’immédiat post-soixante-huit, notamment celles qui étaient adolescentes lors des années 80 et 90 — ayant en outre côtoyé la pandémie du Sida, qui avaient comme idoles des rockstars qui se sont avérés eux-mêmes souffrant de perversions et de troubles translimites comme Michael Jackson ou David Bowie, qui ont connu des membres du gouvernement et écouté ou lu des intellectuels pratiquant le tourisme sexuel ou les confusions de l’orientation sexuelle, qui lisaient les petites annonces “cul” de Libération et les justifications de la pédophilie dans les colonnes du Monde, qui suivaient les fantasmes sexuels des auditeurs et les “conseils” des animateurs comme Doc, Mahler ou Géraldine dans des radios telles que La Voix du Lézard, Skyrock ou Radio Sexe, qui écoutaient ou lisaient Daniel Cohn-Bendit ou Michel Foucault faire ou avoir fait l’apologie de la pédophilie et qui ont appris à considérer tous ces phénomènes sociaux comme des choses normales et valorisées — ont donc créé une posture d’ingénu consentement vis-à-vis des perversions sexuelles. Et certains de ces enfants et jeunes adolescents sont devenus des véritables cibles consentantes de quelques pédophiles trop fiers de l’être.
La Père-version de la fonction symbolique
Si, comme l’affirme Lacan, le père doit « soutenir sa place comme membre du trio familial », il se trouve toutefois que « parler de sa carence dans la famille ce n’est pas parler de sa carence dans le complexe » (Lacan, 1975-1976). On peut ainsi dire avec Lacan que si avec le père c’est toujours compliqué mais au moins encadré, sans la fonction du père, le sujet risque de faire entrer la jouissance dans le domaine du complexe. Le grand risque est que, devant la grave carence de la fonction paternelle, l’enfant, l’adolescent, ingénument consente à « la conséquence de la perversion du séducteur », à savoir la séduction réelle ou supposée par le père (Freud, 1896). C’est à partir de cette situation de base que le pédophile essaie de mettre en pratique l’idéologie qui prône l’injonction de se débarrasser du père. Et puisque l’on ne peut absolument pas se débarrasser du père, le pédophile devient un père incestueux en lieu et place du père qu’il fallait.
Dans l’une des multiples modalités de la père-version, le sujet père-versement orienté, c’est-à-dire celui qui injecte de la jouissance dans une version vers le père (Lacan, 1974-1975), vient à occuper de façon détournée la place du père pour un enfant en désaide. Le pédophile notamment adhère de plein fouet à la jouissance perverse qu’il suppose au père. Il croit que, pour être père, il faut faire sienne cette recherche constante de la jouissance perverse du père. La père-version serait ainsi une imposture faite à la fonction paternelle pour en extraire une jouissance multiforme à l’enfant ou à l’adolescent vulnérable qu’ingénument y consent.
La Fonction paternelle est pacifiante et forcément masculine
Vanessa a également trouvé, par ci par là, plusieurs expressions de ce qui serait une protection typique de la fonction paternelle. Il s’agit de sujets masculins de toute sorte et de tout âge qui réagissaient à juste titre par l’indignation, la colère, le mépris, l’agressivité ou la haine contre Matzneff lorsqu’ils venaient à connaître, ou à deviner, le type d’abus qu’il commettait sur l’adolescente. Toutes ces réactions émotionnelles sont compréhensibles et normales, souhaitables même, chez n’importe quel homme et chez n’importe quel père.
Nous avons ainsi les regards désapprobateurs et « parfois même ouvertement haineux » des passants dans la rue (Springora, 2020, p. 57), le vif désaccord de ses camarades au collège, la violente réaction de Youri, le petit copain de Vanessa après le pédophile (p. 146), le départ précipité de Denis, l’éditeur, de chez la mère de Vanessa lorsque Matzneff arrive pour le dîner, la réaction violente mais inopérante du père à l’hôpital.
Ces exemples montrent qu’à l’époque de l’immédiat post-Mai 68, comme à toutes les époques, il y en a qui ont su mobiliser en eux-mêmes la fonction paternelle symbolique qu’un homme, en conditions normales et sans contraintes d’âge, peut développer. Malheureusement, le père de Vanessa n’a pas été capable, selon son récit, de se mobiliser au-delà d’une explosion de haine passagère. Toutes ces réactions auraient dû être présentes chez le père, non pas passivement, non pas une seule fois, mais tout le long d’un processus nécessaire pour couper la jeune fille abusée de l’emprise de son agresseur. C’est cela que l’on attend d’un père qui protège sa fille. Et ce serait la moindre des choses.
Régénération des différences sexuelles et du rôle maternel et paternel
Il est évident que la pédophilie érotique ne concerne pas du tout les simples différences d’âge entre un homme mûr et une jeune femme adulte, mais la relation entre un adulte et un enfant ou un adolescent de moins de 18 ans. Ou de moins de 15 ans et trois mois selon la loi actuelle en France. Comme nous savons, une part non négligeable des hommes présente une nette attirance envers des jeunes femmes adultes, mais ce qui s’est passé entre Gabriel Matzneff et Vanessa est un abus sexuel et érotique entre un homme de 50 ans et une adolescente de 14 ans. Il est clair qu’à cet âge si proche encore de l’enfance, une adolescente n’a pas les moyens pour assumer un réel consentement sexuel avec un adulte, même si elle croit le contraire. De la même façon qu’il est clair que l’homme en question sait très bien qu’il se situe, par la carence affective de l’adolescence mais aussi par sa propre ascendance intellectuelle, d’expérience de vie et d’autorité inhérente, à la place du père absent.
C’est dommage que les pères soixante-huitards et ceux qui ont suivi dans une lignée en grande expansion se sont progressivement coupés des valeurs d’autorité et respect, d’interdits et protection, de pacification pulsionnelle et amour désexualisé. Les hommes soixante-huitards sont devenus cyniquement non-dupes du père. Ils ont tué la famille par un déclin programmatique du paternel. Ils se sont passés du daron mais sans pouvoir s’en servir. Après la duperie de la Révolution, ils sont tombés dans la duperie du genrisme et dans une nouvelle ingénuité consentante à l’égard de la pire-version.
Alors, la question se pose de comment prévenir, autant que ce soit possible, que tant d’enfants et d’adolescents soient à ce point les victimes de sujets troublés sexuellement et eux-mêmes en manque criante de paternité ou de maternité ?
Notre société est constituée par une série interminable d’adultes, appartenant à toutes les couches économiques et sociales, complètement perdus concernant le sexe que l’on porte, la sexualité ou l’amour que l’on doit concrétiser et réussir et qui se trouvent en grande souffrance en ce qui respecte leur fonction de mère ou de père. Les adultes d’aujourd’hui ne savent plus les données essentielles pour constituer et maintenir unie une famille. Ils ne savent plus comment gérer un enfant ou un adolescent. Ils s’abstiennent de punir l’enfant, de peur d’être considérés maltraitants ou despotes, sans penser une seule fois que cette punition pourrait être une sorte de protection pour l’avenir. Une protection contre les pulsions propres à la puberté et une protection contre des agresseurs qui sont déjà suffisamment troublés par le vécu sexuel.
L’enfant qui n’a pas été puni quand il le fallait, risque de l’être plus tard soit par lui-même, soit par des éléments extérieurs à la famille. Un enfant qui en veut à son père pour le limiter dans sa liberté et pour le cadrer lors de l’éveil de la puberté sera quelqu’un d’armé pour se défendre contre les dérives toujours possibles. Le fait de lui en vouloir, tout en sachant qu’il est au fond bienveillant, lui permet d’avoir une référence et un interlocuteur privilégié pour construire son autonomie vis-à-vis des complexes familiaux. Ceux-ci sont encombrants, mais tout à fait nécessaires et incontournables.
Il me semble que nous devons renforcer la famille tout en accordant de plus en plus de moyens psychiques, sociaux et matériels aux femmes qui deviennent mère et aux hommes qui deviennent père. Nous avons besoin de consolider les valeurs d’autorité, de respect et de limitation de la jouissance sous toutes ses formes, par un recentrage dans une politique et une action sociale cohérentes qui favorisent les valeurs familiales et les reparares de parenté dans les relations entre les générations.
Cela veut dire que nous devons renforcer depuis la petite enfance non pas l’égalité biologiquement impossible et psychiquement illusoire entre les sexes, mais bien les différences sexuelles dans un cadre pacifique et protecteur. Il s’agit d’apprendre aux garçons à être masculins sans mépriser ni victimiser les filles et de renforcer la féminité des filles sans les aveugler face à l’agressivité inhérente aux garçons. Nous devons renforcer les attitudes de protection que chaque petite fille peut développer, de par sa féminité, pour un jour pouvoir protéger ses enfants comme seule une mère équilibrée sait le faire. Nous devons renforcer les attitudes de protection que chaque petit garçon peut développer, de par sa masculinité, pour un jour pouvoir protéger ses enfants comme seul un père équilibré sait le faire.
German ARCE ROSS. Paris, le 8 janvier 2020
Bibliographie
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